Dans le cadre d’une « action en responsabilité » pour insuffisance d’actif, le tribunal fixe la contribution du dirigeant en fonction du nombre et de la gravité des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, sans être tenu de prendre en considération le patrimoine et les revenus du dirigeant. (Com. 1er oct. 2025, F-D, n° 23-12234)
L’article L. 651-2 du code de commerce dispose que « la condamnation d’un dirigeant à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif doit être proportionnée à son patrimoine et à ses revenus, en conséquence de quoi le liquidateur judiciaire, demandeur à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, doit produire une étude patrimoniale et de revenus du dirigeant afin de justifier que le montant de sa demande de condamnation est proportionné, ou à défaut saisir le juge-commissaire afin qu’une telle étude soit établie ».
Le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif estimait que sa situation financière n’avait pas été prise en compte. La Cour de cassation affirme que si le tribunal « doit apprécier le montant de la contribution du dirigeant à l’insuffisance d’actif de la société en fonction du nombre et de la gravité des fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, il n’est pas tenu de prendre en considération le patrimoine et les revenus du dirigeant fautif ».
Premier enseignement : il faut tenir compte du nombre et de la gravité des fautes de gestion du dirigeant à la sanction. La Cour consacre une pratique largement admise (Com. 15/12/2009, n° 08-21906 ; 10/07/2012, n° 12-13256 ; Cons. const. 26/09/2014, n° 2014-415 QPC). Rappelons par ailleurs que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif n’est pas une action en responsabilité comme les autres mais une sanction pécuniaire d’un dirigeant fautif (Cass Com 12/06/2019, n° 17-23176 ; 8/03/2023, n° 21-24650). Une fois établi un lien de la causalité entre les fautes et le préjudice, même très ténu, les juges apprécient « souverainement » au cas par cas s’il y a lieu de condamner et dans quelles proportions, le préjudice subi constituant un maximum (Cass Com. 3/11/2009, n° 08-20354, 31/05/2011, nos 09-13975, 09-16522 & 09-67661 ; 20/09/2017, n° 16-13566 ; 9 mai 2018, n° 16-26684).
Deuxième enseignement : le tribunal n’est pas tenu de prendre en considération le patrimoine et les revenus du dirigeant fautif. C’est sans doute logique avec le caractère de « sanction » de comportements qui ont causé un préjudice déconnecté du revenu et du patrimoine du dirigeant « fautif », mais assez douteux au regard d’un texte qui affirme que la sanction « doit être proportionnée à son patrimoine et à ses revenus ». Certains pourront y voir la prédominance de l’esprit « pénal » répressif français, avec pour étalon « l’arbitraire » des magistrats, sur l’idée de réparations proportionnelles lisibles.
Il faudra bien trancher si la réforme du droit des entreprises en difficulté annoncée voit le jour prochainement.