Sociétés à mission : Qu’est-ce que c’est ?

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L’entreprise dans la Cité

La loi Pacte (loi 2019-486 du 22 mai 2019) prétend favoriser l’émergence d’un « capitalisme responsable » en ce qu’il ne viserait pas seulement le profit.

Il faudrait replacer l’entreprise dans la Cité.

En poussant les sociétés commerciales à se doter d’une mission intégrant les « enjeux sociaux et environnementaux » (art. L 210-10 à L 210-12 du code de commerce et art. 1833, al. 2 du code civil).

Il a donc été créé le concept de « société à mission ». Cette société doit :

  • Intégrer des enjeux sociaux et environnementaux dans ses statuts.
  • Préciser comment elle compte en poursuivre l’exécution.
  • Se doter d’un « comité de mission » (un salarié référent de mission en tenant lieu pour les entreprises employant de moins de 50 personnes), qui soumet un rapport spécifique à l’assemblée annuelle.
  • Faire vérifier, au moins tous les 2 ans, sa réalisation par un organisme tiers indépendant accrédité par la Cofrac, qui accède aux documents de la société, consulte le comité de mission, enquête et soumet des avis motivés joints au rapport spécifique du comité ou du référent de mission.

Un concept plus politique qu’attractif

Peu de sociétés à mission se sont identifiées depuis le 4 janvier 2020. Quelques centaines, peut-être ?

Beaucoup intègrent des enjeux « sociaux ». Ou des enjeux « environnementaux ». Alternativement. Alors qu’il faudrait intégrer les deux. Cumulativement. Et on peut se demander s’il ne s’agit pas surtout d’afficher une image politiquement correcte. Assez éloignée des vertus réellement pratiquées. Comme ces anciennes républiques d’Europe de l’est qui se revendiquaient d’autant plus « démocratiques » qu’elles l’étaient peu.

Théoriquement, en cas de défaut, le Ministère Public ou tout intéressé peut obtenir en référé la suppression de la mention de « société à mission ». Gageons que certains envisageront aussi des actions indemnitaires. On attend donc. Qui tirera le premier ?…

A ce stade, les thuriféraires du système préconisent d’accroître son attractivité. En rendant son adoption possible par les sociétés civiles, groupements d’intérêt économique, voire les associations !

Un autre réflexe, bien français, pousse à détailler et alourdir encore le système. Par des obligations procédurales, d’information, de rapports, d’approbations en assemblée, de calcul des rémunérations des salariés ou dirigeants, de renforcement des pouvoirs du comité de mission… Voire une labellisation du terme « société à mission », assortie de sanctions.

Un raisonnement vicié à sa base ?

N’est-il pas incongru d’imaginer que la recherche d’un profit, dans le respect des « lois de la République » et des « bonnes mœurs », pourrait avoir des visées sociétales ou environnementales néfastes ? Et si ce pouvait être le cas, s’afficher comme porteur d’une « mission » quasi-messianique n’est peut-être pas la meilleure solution pour être mieux perçu.

Plus modestement, pour le praticien : le succès exceptionnel rencontré par la « société par actions simplifiée » ces deux dernières décennies montre la voie à suivre : flexibilité, simplicité, sécurité.

Additionner des frais et lourdeurs administratives, multiplier les intervenants et épaissir des rapports souvent considérés déjà comme indigestes ne favorisera pas l’essor des sociétés à mission.

Pierre Grenier
(Barreau de Paris)

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